Actualité : Motion pour un accueil digne et inconditionnel des personnes migrantes

Publié le

Conseil municipal – séance du 7 décembre 2021

A l’occasion de la Journée Internationale des migrants, souhaite que l’Etat français prenne enfin compte de l’urgence d’accueillir et loger dignement les personnes migrantes se trouvant sur le sol français.

Comme chaque année le 18 décembre, les Nations Unies célèbrent la journée internationale des migrants qui a pour objectif de « dissiper les préjugés et de sensibiliser l’opinion à leurs contributions dans les domaines économique, culturel et social, au profit tant de leur pays d’origine que de leur pays de destination ».

Le 10 novembre dernier, dans le rapport de la commission d’enquête parlementaire qui visait à examiner les conditions de vie et d’accès aux droits des personnes réfugiées et migrantes en France, son président, le député Sébastien NADOT, débute son propos ainsi : « Migrations, étrangers, réfugiés, sans-papiers, frontières, racisme, ostracisme, exclusion : la France a perdu sa carte d’identité nationale et son passeport est périmé. » Les guerres, les crises politiques, économiques, climatiques ou encore sanitaires : tous ces phénomènes poussent des hommes et des femmes de tous les âges à quitter leur pays dans l’espoir de vivre mieux ailleurs.

Ces phénomènes n’ont rien de nouveau. Les protestant.es français.es persécuté.es après l’Edit de Nantes ont trouvé refuge en Suisse ou en Allemagne, suivi.es quelques décennies plus tard par les nobles. Dans l’autre sens, nous n’avons jamais cessé d’accueillir nos voisins, qui n’ont cessé de nous enrichir par leur travail en général, des ateliers parisiens de tailleurs et de peintres aux mines de charbon.

Aujourd’hui, une partie de l’Europe s’est enrichie, les moyens de communication ont raccourci les distances, ce sont des voisines et des voisins un peu plus éloigné.es qui arrivent.

Ce qui n’a pas changé c’est la peur. Il est facile aujourd’hui de feindre que ce sont leurs différences qui justifient le rejet, ce serait oublier bien vite le massacre des ouvriers italiens d’Aigues-Mortes, les insultes qui fusaient à l’encontre des immigrés espagnols dans les cours de récréation dans les années 60 ou les différentes variantes des clichés anti-polonais.

Au moment de la chute de Kaboul, en août dernier, le Président Macron a fait état de sa peur des « flux migratoires illégaux ». Bien sûr, il s’adressait ainsi aux personnes qui ont peur et à celles qui manipulent les peurs. Mais s’il avait démontré auparavant une connaissance des réalités du terrain, nous aurions pu l’entendre différemment : les migrations illégales sont en effet à l’origine de différents désordres, tenant largement à tout ce que ces personnes doivent accomplir dans la clandestinité pour survivre, entretenant et enrichissant des réseaux mafieux, des marchands de sommeil et certains employeurs peu scrupuleux.

Nous l’avons vu sous la précédente présidence américaine avec les Mexicains, nous le voyons avec les bateaux de fortune qui traversent la Manche ou la Méditerranée, une traversée qui fut mortelle pour plus de 1 200 personnes cette année. Nous avons entendu parler de ces jeunes qui se cachent dans les trains d’atterrissage, nous savons que la neige et le froid n’arrêtent pas celles et ceux qui veulent franchir les Alpes ou la frontière polonaise, avec ou sans « mur de la honte » à la frontière de l’Europe. C’est une évidence : le rêve de l’extrême-droite d’une parfaite étanchéité des frontières, naturelles ou politiques, est illusoire.

Si aucune action n’est entreprise contre le réchauffement climatique et pour inverser la courbe des émissions de gaz à effet de serre, le dernier rapport de la Banque Mondiale prévoit 216 millions de réfugiés climatiques en 2050, hommes, femmes et enfants fuyant les pénuries d’eau, les famines, ou encore l’élévation du niveau de la mer. Face à cette réalité, nous pouvons nous recroqueviller, feindre de contrôler, laisser les migrantes et les migrants survivre à l’écart de la société, clandestinement, dormant dans des squats, à la merci de toutes les exploitations et sans espoir d’une réelle intégration pour les adultes comme pour les enfants, ballotés d’un lieu à l’autre, s’éloignant parfois brusquement de l’école où ils commençaient à avoir leurs repères.

Nous pouvons également collectivement décider d’agir pour ne plus subir et se donner toutes les chances que tout se passe bien pour notre pays, pour nos concitoyennes et concitoyens et pour celles et ceux que nous accueillons. Bien loin des fantasmes, il suffit d’observer celles et ceux qui travaillent durement et souvent dans la précarité, sur les chantiers, pour les livraisons à domicile ou pour nettoyer les locaux des entreprises tard le soir. Il suffit de voir les risques que prennent les migrants pour gagner le Royaume-Uni, connu pourtant pour sa faible politique sociale, pour s’apercevoir que la plupart d’entre elles et d’entre eux ne sont pas là pour d’hypothétiques aides, mais bien pour travailler et vivre.

Bègles a toujours été une terre d’accueil, considérant les personnes vivant sur son territoire avant tout comme des habitantes et habitants de Bègles, sans distinction entre les personnes ayant ou non la nationalité française. Notre politique humaniste d’accueil des personnes migrantes, menée en collaboration avec les nombreux partenaires associatifs locaux, se traduit par des actions très concrètes de domiciliation et de scolarisation, d’aide alimentaire, d’amélioration des conditions de vie dans les squats, de suivi administratif des personnes migrantes, d’organisation de parrainages républicains ou de mise à l’abri.

Aujourd’hui, les personnes migrantes font bien souvent face, durant plusieurs années, à une situation de blocage administratif qui complique leur insertion durable et sereine dans notre société, empêchant l’accès à un logement, aux soins, à un travail légal et régulier. Pourtant, dans les faits, ces étrangères et étrangers, en situation « irrégulière », travaillent, consomment dans nos commerces, participent aux événements de vie locale et leurs enfants sont largement scolarisés.

Parallèlement à cela, l’Etat est en difficulté pour remplir ses obligations en termes d’hébergement et d’accompagnement des personnes dont la demande d’asile est en cours, contribuant à ajouter à la population « d’illégaux », des personnes qui devraient en théorie échapper à cette précarité.

Enfin, nous sommes régulièrement interpellé.es pour soutenir des personnes qui ont épuisé toutes les voies de recours concernant l’asile, qui sont sommées de quitter le territoire mais qui nous semblent être en danger dans leur pays d’origine. Bien souvent, les réponses semblent reposer sur l’appréciation générale que le ministère des affaires étrangères porte sur le pays plus que sur la situation concrète des personnes. Or, nous voyons avec certains exemples récents que, même en France, des personnes peuvent se trouver dangereusement menacées pour leurs propos, indépendamment de la réputation de notre pays.

Ainsi, alors que nous accueillons des Afghanes et des Afghans, alors que nous savons que les

prochaines catastrophes naturelles et les prochaines guerres jetteront sur les routes de  nouvelles personnes désespérées, des êtres-humains, que nous ne voulons pas renoncer à accueillir dignement, parce que cela correspond à nos valeurs et à notre intérêt national, nous demandons à l’Etat de prendre ses responsabilités.

Aussi, le Conseil Municipal demande à l’Etat français :

De mettre en place les moyens nécessaires à l’hébergement et à l’accompagnement des personnes dont la demande d’asile est en cours d’examen jusqu’à épuisement des voies de recours ;

D’appliquer réellement la circulaire Valls qui permet de régulariser les personnes présentes sur le territoire depuis plus de 5 ans dont les enfants sont scolarisés depuis 3 ans ;

De régulariser les étrangères et les étrangers qui disposent d’une promesse d’embauche en France ;

D’examiner les demandes de régularisation en fonction de la situation concrète des personnes et non des liens existants entre notre pays et les pays d’origine, et de redéfinir pour ce faire la notion de « pays sûr » ;

Et enfin, d’allouer les moyens financiers nécessaires aux associations et aux collectivités locales (principalement les départements et les communes) pour accueillir et loger dignement toutes les familles avec enfants se trouvant sur le territoire.