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La démocratie est par essence participative. Les hommes et les femmes se gouvernent eux-mêmes en gouvernant ensemble. Dans nos démocraties modernes, le terme de démocratie participative est apparu dans un contexte où le système représentatif semblait atteindre ses limites.
On s’aperçoit que 30 ans de développement de la démocratie participative n’ont effacé ni les diagnostics de crises ni la défiance. Plusieurs raisons sont avancées : les participant·es sont « toujours les mêmes » et ne sont pas toujours représentatifs de la diversité de la société ; les temps de concertation ne sont pas toujours articulés à la décision. De fait, le pouvoir de décision n’est pas partagé. Or, les élu·es sont considéré·es comme légitimes et responsables ; ils ont des comptes à rendre. Comment asseoir la légitimité des citoyen·nes participant à prendre des décisions pour les autres ? Selon moi, c’est une des questions centrales aujourd’hui. À défaut, l’exercice du débat peut paraître
vain avec l’idée que ça ne sert à rien. On l’a entendu avec le Grand débat National ou encore la Convention Climat. Pour
moi, c’est une idée reçue. Les élu·es tiennent compte des avis mais ont du mal à restituer ce qu’ils en font et à expliquer leurs décisions. Cela suscite d’autant plus de scepticisme que les processus de démocratie participative ont rehaussé les exigences, les attentes et le sens critique des citoyen·nes.
Les outils, les méthodes, l’ingénierie existent. Beaucoup de municipalités se sont d’ailleurs dotées de cette expertise en interne. La question, c’est de savoir pourquoi veut-on faire participer les habitant·es. Or, faire participer suppose une réflexion globale pour proposer une offre participative cohérente. Il faut aussi avoir confiance, de part et d’autre. D’autant que les démarches participatives complexifient le travail des services administratifs.
C’est difficile de faire face à une diversité de points de vue et aux désaccords. Cela transforme les institutions à tous
les échelons et il faut accepter cette mutation, car cela participe à la légitimation des décisions. Depuis 20 ans que je travaille sur le sujet, on peut parler d’un apprentissage réciproque de la part des citoyen·nes, des élu·es et des services. S’engager dans la délibération et la coopération malgré les désaccords, le fait de devoir composer, apprendre à produire des propositions ou des diagnostics offrent aux citoyen·nes la possibilité de réaliser ce qu’est la vie démocratique et sa complexité.
Aujourd’hui, il faut faire un pas de plus quant à l’articulation des mécanismes de participation et de la décision. Il faut offrir des garanties aux personnes qui s’engagent. Par ailleurs, on a tout intérêt à utiliser le tirage au sort, car cela permet d’élargir le profil de celles et ceux qui s’impliquent. De ce point de vue, les assemblées citoyennes sont une voie intéressante qui permet aux citoyen·nes de réfléchir et de délibérer ensemble, sur la base de temps de formation, pour se prononcer sur une question d’intérêt général et porter des propositions. L’heure est aussi à laisser davantage d’initiatives aux citoyen.nes, comme le prévoient les expérimentations en matière de droit à l’interpellation. Depuis quelques années, on voit apparaitre des groupes de citoyen·nes qui s’autosaisissent d’une problématique : des voisins qui s’organisent pour verdir leur rue par exemple.
Pour conclure, c’est le propre de la démocratie d’être imparfaite, qu’elle soit représentative ou participative. Mais la démocratie ne se soigne que par davantage de démocratie. Il faut donc encourager tout ce qui permet à chacun·e de se saisir de la chose publique et d’en débattre.